Lomepal – « Oyasumi »

Certains fans de la première heure de Lomepal jurent que « c’est son meilleur son », et il ne faudrait peut-être pas me pousser trop dans mes retranchements pour que j’en convienne.

En japonais, « Oyasumi » signifie « Bonne nuit ». La formule est ici utilisée de façon ironique, car ce que Lomepal raconte dans cette chanson, c’est un vagabondage nocturne sans cesse renouvelé, et plus généralement c’est l’impression d’être en perpétuel décalage avec le monde, de vivre quand les autres dorment et d’aller se coucher quand ils se réveillent et s’apprêtent à s’égarer dans la vie sociale « normale ».

Musicalement, « Oyasumi » a pour moi quelque chose d’assez magique, avec un sample de synthé léger comme une plume, subtilement tremblant, qui revient inlassablement, une rythmique si discrète qu’on ne se rend pas forcément compte qu’elle est apparue ou qu’elle s’est à nouveau effacée, des arrangements si délicats qu’ils en deviennent évanescents, et une basse qui s’impose d’un seul coup, monstrueusement grave, à 0’44.

Quant aux paroles, impudiques et mélancoliques, elles invitent l’imagination à se déployer librement et à chercher des réponses à toutes sortes de questions métaphysiques, tant qu’elle ne sera pas accablée par la fatigue, tant qu’elle parviendra à supporter les contraintes et les coûts associés au fait de ne pas se glisser confortablement et paresseusement dans le même moule que monsieur et madame Tout-le-monde (« En vadrouille jusqu’à l’infini / chaque jour je paye le prix de la vie libre« ).

J’adore ce morceau dans lequel Lomepal décrit avec une grande empathie l’errance d’un jeune homme (lui-même), son angoisse sourde (« On m’a dit que tout irait bien, / mais j’ai quand même un mauvais feeling« ), sa difficulté à porter son regard au-delà de l’instant (« Yes je respire donc j’ai au moins quelques secondes devant moi« ), sa tentation de baisser les bras et de se laisser abattre par l’envie d’en finir (« On f’ra des meilleurs choix dans l’au-delà« )… Tout cela au bout d’une nuit qui l’a vu absorber des substances pas très licites, et plus généralement dans une vie qui le ballotte de tous les côtés sans qu’il ne contrôle rien (« Je veux pas voir où le train m’amène« ).

Parfois, ce vagabondage et ce vague à l’âme sont déchirés par des instants de paix et de grâce, qui n’en prennent que plus de poids et de valeur…

« Mon esprit se calme

Posé d’où je suis

je vois le monde sans filtre

Oh mon cœur est calme

Mes démons se calment »

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