Arcade fire – « We used to wait »

Troisième album des québécois d’Arcade Fire, sorti en 2010, « The suburbs » est en grande partie un album concept dont la plupart des chansons évoquent la vie quotidienne dans les banlieues résidentielles américaines où ont grandi deux des membres du groupe, les frères Win et William Butler (des banlieues à la « Desperate housewives », pour celles et ceux qui ont vu la série).

Ni portrait à charge, ni description nostalgique, l’album est simplement, selon Win Butler, « un témoignage venant de la banlieue » . Ce que Arcade fire nous dit au long de ces seize chansons, c’est en substance « Voilà où et comment nous avons grandi, dans ces banlieues à perte de vue » (l’un des titres s’appelle d’ailleurs « The sprawl » – l’étalement).

C’est un album qui s’écoute, mais qui d’une certaine façon se regarde aussi, tant les textes dépeignent, décrivent, racontent un passé révolu mais encore bien présent dans les mémoires et les coeurs, si présent qu’il y est encore tout coloré (comme la voiture sur la belle pochette).

« We used to wait » est une chanson sur une adolescence en grande partie passée à attendre que quelque chose se passe (« We used to waste hours just walkin’ around » ), et donc à gâcher sa jeunesse (« All those wasted lives in the wilderness downtown » ). La vie paraissait alors si morne qu’on était à l’affût du moindre minuscule événement pouvant briser la monotonie du quotidien, sortir de la torpeur et donner envie de vivre. Par exemple qu’une lettre arrive… « It seems strange / how we used to wait for letters to arrive / But what’s stranger still / is how something so small can keep you alive. » Mais l’attente était bien souvent vaine et frustrante: « Oh, we used to wait / Sometimes it never came. »

Musicalement, cette impression d’une interminable succession des instants est parfaitement rendue par le rythme lancinant scandé par une percussion synthétique, que même les refrains ne parviennent pas à recouvrir. Il faut attendre deux minutes et quinze secondes pour que la musique explose, comme pour illustrer le réveil de l’ado qui rue dans les brancards pour que quelque chose arrive, enfin.

Le côté émouvant de la chanson ne vient pas que de la nostalgie de l’adolescence perdue. Il naît aussi du décalage entre la lenteur et l’ennui qui ont caractérisé cette période, et l’impression partagée par les membres du groupe que le temps s’accélère, que la vie passe de plus en plus vite, trop vite, et qu’ils aimeraient en retenir les plus beaux moments.

Quelques années avant sa mort, Serge Gainsbourg a confessé que quand il était jeune, il se disait tous les soirs en se couchant « Un de plus! » , mais qu’en vieillissant il se disait désormais « Un de moins! » C’est un peu ce cheminement que raconte « Used to wait » : arrive un moment où le fait de gaspiller du temps précieux à attendre que quelque chose se passe devient difficilement supportable, et en tous cas très douloureux.

« Now our lives are changing fast

Hope that something pure can last »

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