L’un des effets aussi inattendus que positifs du fait que je me sois lancé dans des partages musicaux sur Fessebouc, c’est qu’ils m’incitent à partir la découverte d’artistes que je connais très mal, ou seulement par quelques tubes que j’ai entendus, comme tout le monde, à la radio ou dans une soirée avec des amis.
C’est le cas de Marvin Gaye.
D’une manière générale, je n’écoute quasiment jamais de musique soul, c’est pour moi une terra musicale quasiment incognita. De cet artiste par exemple, je ne connaissais que quelques immenses tubes comme « Sexual healing » ou « What’s going on » (dont je parlerai une autre fois). Il y a quelques temps, je me suis dit que ce serait bien d’aller jeter une oreille plus attentive… et j’ai bien fait!
« Let’s get it on », c’est d’abord un album, presque entièrement composé de chansons d’amour, certaines graves et solennelles (« Just to keep you satisfied »), d’autres plus romantiques et légères, d’autres encore éminemment langoureuses et charnelles (« You sure know how to ball »). Marvin Gaye était ce qu’on appelle pudiquement un érotomane, ou plus clairement un obsédé sexuel, avec le côté sombre ou borderline que cela peut comporter (par exemple cet album a été grandement inspiré par une liaison sulfureuse avec une jeune femme de 17 ans, alors que lui-même en avait 34).
Visiblement, il n’a pas vécu cette passion pour le sexe de façon épanouie et libératrice, puisqu’il a été toute sa vie englué dans une dépression persistante, jusqu’à ce que son père le tue d’un coup de revolver durant une dispute, en 1984. Il faut dire que ce père était pasteur, ce qui a peut-être contribué à instiller en lui de profonds sentiment de honte et de culpabilité…
Quoi qu’il en soit, la fascination pour les femmes et les liens charnels transparaît tout au long de ce disque. De la première à la dernière seconde, Marvin Gaye roucoule, il cajole, il caresse de la voix et du regard, et il n’y a quasiment pas de chanson dans laquelle il ne susurre des « love », des « babe », des « sugar » ou des « honey ». Le tout avec des musiques le plus souvent lentes, amples et sensuelles, ce qui fait de cet album une bande sonore idéale pour des ébats torrides. Un fan de Marvin Gaye a un jour écrit que si cet album était distribué gratuitement à tous les humains, ce serait une garantie pour que l’espèce humaine ne disparaisse pas…
Mais si le désir et le plaisir sexuels sont omniprésents sur tout le disque, on est quand même bien loin de Francky Vincent, heureusement. Derrière la fascination pour les femmes, Marvin Gaye laisse transparaître une foi intense: l’amour charnel et le sexe sont pour lui des moyens de se rapprocher de Dieu, de réunir dans une même ferveur son goût pour la spiritualité et pour la chair – ce n’est pas de la soul pour rien.
Sur la durée de l’album, je trouve que l’inspiration soul est parfois too much. « Just to keep you satisfied », par exemple, est un morceau tellement sucré qu’il me donne un peu mal au coeur, comme une pâtisserie trop chargée en crème chantilly ou en nougatine.
En revanche je suis emballé par « Let’s get it on ». Première chanson du disque, elle parle de deux personnes qui se sentent aimantées l’une par l’autre et qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne tournent pas autour du pot. Ça démarre par des gimmicks de guitare qui se tortillent, et ça se déploie ensuite de façon on ne peut plus sexy (avec des jets de sax tenor et de trompettes), mais aussi de façon plus rythmée, plus chaloupée, plus ondulatoire…
Oui je sais, ce sont des métaphores sexuelles là aussi. Mais c’est assez difficile de commenter un morceau de Marvin Gaye sans tomber soi-même dans les filets du désir.
« Stop beatin’ ’round the bush
Oh, gonna get it on (ooh, ooh) »