« Round midnight » est l’un des standards de jazz les plus connus et les plus souvent repris, avec notamment des interprétations par Miles Davis (à de nombreuses reprises), Art Pepper, Chet Baker, Bill Evans, Jim Hall, Wes Montgomery – que des géants…
Dans l’histoire du jazz, beaucoup de standards ont été composés par des illustres inconnus, fréquemment pour des films ou des comédies musicales. C’est très différent pour « Round midnight » : ici au contraire, le compositeur est très célèbre puisqu’il s’agit du grand Thelonious Monk, l’un de mes pianistes de jazz préférés avec Bill Evans et Art Tatum. Il a écrit ce morceau très jeune, à 24 ans seulement (l’un de ses amis affirme que c’était même cinq plus tôt), mais il l’a remis sur le métier et retravaillé pendant bien des années avant de l’enregistrer pour la première fois en 1944.
Monk a énormément joué et gravé « Round midnight » , souvent seul. Il y a notamment une version légendaire sur le disque « Thelonious himself » en 1957, que j’adore. Mais j’ai déjà partagé plusieurs titres de Monk, alors ce soir je choisis une interprétation très différente, enregistrée par Stan Getz en 1960 sur le magnifique album « Cool velvet » , sous-titré « Stan Getz and strings ».
Tout ici respire l’élégance et la classe, le lyrisme et la sensualité, avec des cordes amples et appuyées, et surtout un son de sax tenor rond comme une pelote de laine, doux comme du velours, chaud comme la braise (cet éclat de grave à 0’50, my god)…
En 1960, on est à la fin de la grande époque des films noirs hollywoodiens, et cette interprétation sexy aurait pu être utilisée quelques années plus tôt dans l’un de ces grands classiques. Je l’imagine très bien comme illustration sonore d’une scène tournée dans un minuscule club de jazz où l’on verrait une femme en gants noir, un long fume-cigarette à la bouche, regardant langoureusement son amant jouer du sax tenor en costume à rayures et en pompes bicolores.