Jacques Brel – « Le prochain amour »

Voici une chanson assez mineure dans le répertoire de Jacques Brel, mais que j’aime beaucoup pour le constat tout bête qu’elle propose de but en blanc, dès son ouverture, accompagné d’abord par un violon délicat, puis par un orchestre rendu doucereux par la flûte et la harpe: « Mais on a beau dire, mais on a beau faire / qu’un homme averti en vaut deux / On a beau dire, on a beau faire, / ça fait du bien d’être amoureux« .

Bien sûr, Jacques Brel se doute bien que ce nouvel amour ne va pas, d’un coup de baguette magique, effacer tout le mal-être, combler tous les désirs et les besoins affectifs frustrés, immerger dans une félicité totale et définitive.

Bien sûr, il n’est pas un perdreau de l’année et il a assez d’heures de vol pour savoir que les sentiments si grisants et l’émerveillement des premiers temps ne dureront pas forcément beaucoup plus qu’un printemps (« Je sais déjà à l’entrée de la fête / la feuille morte que sera le petit jour« ) .

Bien sûr, il s’attend même à ce qu’il y ait inévitablement, un jour ou l’autre, non seulement de la déception mais de la douleur, et que celle-ci culminera peut-être dans une séparation amère (« Je sais, je sais que ce prochain bonheur / sera pour moi la prochaine des guerres« ) .

Mais Jacques Brel ne fait pas semblant de ne pas éprouver ce qu’il éprouve, il ne se force pas à feindre l’indifférence, et c’est quelque chose qui me touche énormément. À quoi ça rime de faire les malins et d’essayer de (se) faire croire qu’on a « renoncé à l’amour » , qu’on vit « très bien tout seul » , qu’on est « libéré de la dépendance affective » , si en réalité, enfoui au plus profond, le coeur meurt d’envie de succomber à nouveau? Ce n’est, à mon avis, qu’une énième manière de se trahir soi-même.

Moi aussi, « Je sais » tout ce que chante Brel dans cette chanson. Mais je préfère reconnaître humblement qu’il y a en moi une partie qui regimbe devant ce savoir trop sérieux. Sans forcément lui confier le volant en fermant tout à fait les yeux, j’ai envie de lui laisser sa chance si elle se présente. Qui sait, peut-être qu’au prochain tournant il y aura une rencontre belle et douce, et qui se transformera en une navigation au long cours…

« Mais mon coeur sait des navires ennemis

partant ensemble pour pêcher la tendresse »

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