Jean-Louis Murat – « Terres de France »

À la fin d’un été durant lequel beaucoup de mes proches et de mes ami(e)s ont effectué des transhumances un peu partout dans l’hexagone, j’ai envie de partager cette chanson en forme de déclaration d’amour pour le pays dans lequel j’ai la chance de vivre.

Le Jean-Louis Murat que j’aime, ou plutôt que j’adore, c’est celui de la période qui s’ouvre avec « Cheyenne Autumn » en 1989 et qui se clôture en 1999 avec « Mustango » , album de la transition vers une période plus folk-rock, à mon avis beaucoup plus inégale.

C’est le Murat charnel des nappes de synthé vaporeuses, des mélodies innocentes et bouleversantes, des rythmes lents et lascifs, des orchestrations ouvragées, des collages de sons enregistrés dans la nature, de la voix sensualissime, des textes allégoriques, pastoraux et vibrants d’émotion, qui expriment de façon déchirante une mélancolie et une difficulté incurable à se lier aux humains…

Durant une décennie, ce Jean-Louis Murat là a réussi à produire en musique une alchimie mystérieuse, splendide et bouleversante, si bouleversante que je peux difficilement écouter certaines chansons sans me mettre à pleurer.

Dans ce magnifique « Terres de France », il y a tout ce qui me renverse chez Murat.

Le rapport sensible et sensuel à la nature (« Neige et pluie depuis ce matin » , « les eaux glacées du ciel » , « allongés sous un ciel immense » , et le son saisissant des mugissements de vaches par lesquels s’ouvre la chanson…)

L’hommage ému aux gens qui y sont immergés au quotidien, pudique allusion aux grands-parents qui ont élevé le petit Jean-Louis Bergheaud dans une ferme qui restera toujours pour lui un paradis perdu (« Loin, sur les sentiers, / dans les greniers / des terres abondantes, / les paysans chantent » ).

La mélancolie, bien sûr (« La rumeur errante / de leur désespérance » ; « Je jette aux orties mes rêveries, / ma morte semence » ).

L’éloge du rêve et de la fantaisie (« Partons en vacances / comme au cinéma » ).

Musicalement il y a cette classe distante et montagnarde, la discrétion minimaliste de la boîte à rythme, l’ampleur des synthés planants et brumeux, qui semblent glisser en apesanteur et qui enflent puissamment dans les refrains… Et bien sûr il y a cette voix chaude, caressante, au grain terrien.

Tout cela fait de cette chanson une espèce de lent travelling aérien qui plane au dessus des terres de France, qui en décrit de façon contemplative mais vibrante le charme désuet et poignant – d’autant plus poignant peut-être que ces terres nourricières sont méprisées par la plupart des citadins qui se trouvent bien installés dans la modernité.

« Terres de France » est une excursion musicale profondément enivrante, qui ouvre à chaque fois les plaies de mon immense nostalgie pour les chemins que j’ai parcourus quand j’étais enfant, gorgé d’innocence, dans le village où j’ai grandi…

« Je marche au matin

loin des embruns

sur les terres de France

gorgées d’innocence »

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