Le neuvième album studio de The Cure, « Wish » , est paru en 1992, à une époque où j’avais cessé depuis quelques années de suivre le groupe, car j’étais alors bien occupé par ma première relation amoureuse, par ma thèse et par la découverte du classique et du jazz, de Manset et de Murat, et enfin du rock et de la pop indé (The Smiths, The Pixies, PJ Harvey, R.E.M, Ride…). Pour moi l’histoire de The Cure s’était plus ou moins arrêtée avec « The head on the door » et « Kiss me kiss me kiss me » , que je trouvais tous les deux sympas mais inégaux, et tellement moins puissants que « Faith » ou « Pornography » .
En 1992, The Cure est au sommet de sa popularité et de son succès commercial, et « Wish » déboule en tête des ventes au Royaume-Uni dès sa sortie. En France on entend même les principaux singles sur Fun radio ou Skyrock, ce qui laisse songeur quand on sait le contenu glaçant de la trilogie gothique de 1980-82. Pour ma part, je n’ai alors retenu qu’un seul titre, le sautillant « Friday I’m in love » , et je n’ai donc pas eu l’occasion de me rendre compte que l’album restait habité par l’angoisse, les démons et les chagrins.
C’est il y a peu de temps que j’ai découvert ce magnifique morceau qu’est « From the edge of the deep green sea » , un titre long (7’40) et construit comme une lente et implacable ascension.
Côté texte, c’est une chanson d’amour assez torturée, ce qui est courant chez Robert Smith, et même assez banal à vrai dire. Le romantisme est enflammé (« You and me alone / A secret kiss / Don’t go home / Don’t go away / Don’t let this end / Please stay / not just for today » ), il hésite entre la lucidité et le mensonge ou l’illusion (« Why do you cry? What did I say? / But it’s just rain I smile » ), et l’histoire ne finit pas dans la joie et la bonne humeur (« I know another moment will break my heart / Too many tears / Too many times / Too many years I’ve cried for you » ).
Côté musique, en revanche, quelle claque! Les guitares déploient des lignes mélodiques variées et complexes, et plus le morceau avance, plus elles tournoient et tourbillonnent de façon étourdissante, notamment dans les deux dernières minutes clairement influencées par les murs du son de la noisy pop, qui à l’époque vient d’exploser avec My Bloody Valentine ou Ride. C’est ici que « From the edge of the deep green sea » devient épique et flamboyant, au point de prendre carrément aux tripes.
Si j’avais découvert ce morceau à sa sortie, je l’aurais sans doute écouté des dizaines et des dizaines de fois. Ça n’a été que partie remise, finalement…
« Same old game
Love in vain
and miles, and miles, and miles, and miles, and miles, and miles
away from home again »