Comme tous les quinquas sans doute, j’avais rangé quelque part dans ma mémoire auditive le refrain de cette chanson, dans le tiroir des « plaisirs coupables » , car elle était pour moi l’archétype de la variété française des années 80 à la production datée, aux synthés clinquants et aux paroles basiques, comme par exemple « Eve lève-toi » de Julie Pietri, « Toute première fois » de Jeanne Mas, « Macumba » de Jean-Pierre Mader…
Mais il y a quelques semaines, j’ai regardé « L’innocent », une comédie romantique fantasque, rocambolesque, pleine de fraîcheur et en tous cas très drôle de Louis Garrel, dans laquelle le personnage principal essaye de contrecarrer la relation naissante entre sa mère et un malfrat qu’elle a connu en prison, avant de découvrir que celle qu’il croit être sa meilleure amie à lui pourrait bien devenir son amoureuse. Lorsque cette chanson de Gérard Blanc est soudain apparue en plein milieu du film, je me suis tout de suite senti très touché.
C’est une expérience que j’ai déjà souvent faite par le passé. Lorsque des chansons populaires surgissent dans une scène de cinéma qui me touche (« Prima donna » de Dalida dans « Un air de famille » de Cédric Klapich, « L’envie » de JJG et Johnny Halliday dans « À vendre » de Laetitia Masson, et à peu près toute la playlist dans « On connaît la chanson » d’Alain Resnais » ), je constate qu’elles m’émeuvent car elles font partie de mon histoire, elles éveillent des souvenirs plus ou moins flous, elles me replongent dans un passé déjà ancien (hélas), qui n’a pas pas toujours été super joyeux, mais qui a le potentiel de séduction et de mélancolie lié au fait qu’il est le passé, tout simplement. C’est ce que Vladimir Jankélévitch appelait « la passéité du passé » …
Mais si j’ai été ému par « Une autre histoire » en regardant ce film, ce n’est pas seulement parce que ce morceau me renvoie dans le passé: c’est aussi parce qu’il évoque une histoire d’amour naissante (« Quelque chose de neuf a tout changé » ), dont on ne sait pas encore ce qu’elle va donner (« Et on prendra un nouveau départ / en laissant faire le hasard » ), où elle va mener, si elle sera joyeuse, si elle va durer… Y a-t-il quelque chose de plus séduisant que la douceur et l’excitation des commencements?
« Je n’sais pas comment ça c’est passé,
Je n’sais pas pourquoi j’ai plus peur d’aimer »