The Beatles – « Blackbird »

Composée et jouée par le seul Paul McCartney, « Blackbird » est l’une des chansons du mythique double album blanc des Beatles, paru en 1968, d’une créativité et d’une diversité assez inouïes.

Ce qui frappe pourtant en l’écoutant, c’est son apparente naïveté pure et enfantine. C’est une chanson très courte (guère plus de deux minutes), très simple dans son orchestration (une seule guitare acoustique jouée en fingerpicking, le pouce jouant la basse et les autres doigts la mélodie, le pied de Paul qui bat la mesure, et le chant d’un merle sur le dernier couplet, qui apparaît à 1’41 après un silence furtif), et dont les paroles se contentent de répéter plusieurs fois des vers minimalistes.

Pourtant « Blackbird » est un morceau beaucoup plus profond qu’il en a l’air au premier abord.

D’abord par son inspiration musicale: McCartney a composé la mélodie en s’inspirant de la bourrée en mi mineur de Jean-Sébastien Bach, qu’il essayait d’apprendre à jouer depuis de nombreuses années, et dont il a eu l’idée de simplifier la structure.

Mais si « Blackbird » est une chanson autant grave que légère, c’est aussi et surtout pour ce à quoi le texte fait allusion: l’image d’un merle noir blessé qui se débat pour apprendre à voler malgré ses ailes cassées (« Take these broken wings and learn to fly » ), c’est une métaphore de la lutte pour leurs droits civiques des Noir·es américain·es, personnalisés par une jeune femme qui n’ose pas ouvrir ses yeux creux sur le monde (« Take these sunken eyes and learn to see » ).

Mais comme McCartney l’a lui-même reconnu dans une interview, cette chanson est aussi, plus largement, encore, un encouragement à toutes les personnes aux prises avec des difficultés qui les entravent ou qui les terrassent. Ce que dit ce texte, a résumé Paul, c’est « Continuez à essayer, gardez la foi, il y a de l’espoir » . C’est aussi pour cela que le texte fait allusion à un oiseau: « Pour que ça convienne aux problèmes de tout le monde » , autrement dit pour que chacune ou chacun puisse s’y reconnaître, puisse entendre dans ces mots tout simples un soutien empathique qui lui est adressé personnellement, de cœur à cœur.

C’est pourquoi aujourd’hui j’ai envie d’associer cette chanson merveilleuse de douceur et de patience au combat intérieur d’une femme qui m’est proche. Elle aussi a les ailes brisées, elle aussi a peur, elle aussi a du mal à regarder celui qui l’a abîmée et dont elle aspire à se libérer depuis tellement longtemps. Du fond du cœur, je lui souhaite de pouvoir bientôt se dresser face à lui pour conquérir sa liberté, avant de s’envoler où bon lui semblera.

« All your life, you were only waiting for this moment to arise

All your life, you were only waiting for this moment to be free »

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