Il y a quelques mois, en relisant la liste des morceaux que j’avais chroniqués dans mes trois premières années en musique, je me suis fais une réflexion: plus les années passent, plus je réécoute des morceaux ou des albums que j’aime déjà, et moins j’en découvre de nouveaux (une sorte de « baisse tendancielle du taux de découverte »?). Je reviens souvent vers les mêmes artistes, les mêmes disques et les mêmes titres, et j’aime les écouter pour y retrouver une ambiance musicale, une mélodie, parfois simplement un vers, quelques mots (le « We’re just two lost souls / swiming in a fish bowl » de « Wish you were here »), un riff de guitare, un claquement de caisse claire, quelques mesures jouées au violoncelle… Il suffit souvent d’un rien pour me chavirer, et il y a des morceaux que j’aime écouter en entier ne serait-ce que pour quelques secondes, pour un simple bruissement de tambourin, une clochette qui tinte (au milieu de « Michicant » de Bon Iver), une voix qui se brise sur une syllabe (le dernier « I’m a fool to want you » de Billie Holiday)…
S’il en est ainsi, c’est parce que le plaisir que je prends à écouter un morceau de musique a beaucoup à voir avec le souvenir de la période durant laquelle je l’ai découvert, de l’endroit où je me trouvais, des personnes avec qui j’étais, et des émotions que tout cela m’a procuré à l’époque. Avec la musique, le plaisir actuel et le plaisir passé se mélangent inextricablement. Écouter de la musique aimée, c’est manger une madeleine de Proust dont la saveur ne s’affadit jamais et dont on a toujours faim à nouveau.
Mais dans mon cas, je crois qu’il ne s’agit pas seulement de mon penchant pour la nostalgie.
En réalité, j’ai un rapport à la musique qui s’apparente à celui qu’ont les petits enfants à leurs premiers dessins animés ou à leurs premiers livres: ils reviennent aux mêmes et ils y reviennent encore et encore, parce que cette répétition les aide à intégrer de nouveaux savoirs, de nouveaux concepts, de nouvelles relations humaines, de nouveaux rôles sociaux, et à construire l’image d’un monde rassurant… Pour dire les choses d’une formule, ça les aide à construire un style d’attachement sécurisé. Ce qui se cache derrière ce comportement caractéristique des enfants, c’est la volonté inconsciente de mettre de la stabilité dans leur monde, de se créer une petite bulle de sécurité émotionnelle et affective.
Je crois que c’est aussi ce qui se joue dans mon rapport à la musique: j’aime qu’elle me ramène à mes émotions coutumières et à mes souvenirs familiers, j’aime qu’elle me rassure sur le fait que ce qui compte pour moi est toujours là, à portée de main, autour de moi et en moi, dans mes émotions et dans ma mémoire.
Mais cette année qui vient de s’écouler, je me suis décidé à repartir à l’aventure pour défricher de nouveaux territoires musicaux, notamment en écoutant davantage de podcasts sur l’histoire de la musique ou sur l’actualité des sorties d’albums (par exemple « Very good trip » de Michka Assayas sur France Inter, ou « Happy monday » de la radio associative lilloise RCV).
Grâce à cette bonne résolution, j’ai fait quelques superbes découvertes, que j’ai parfois déjà partagées (Prefab Sprout, MGMT, Slowdive, Fontaines D.C., Nilüfer Yanya…), ou que je prévois de chroniquer bientôt (Girls in Hawai, Charlift, Frank Ocean, Wire…)
J’ai aussi, fort heureusement, appris à découvrir sous un nouveau jour la discographie de quelques monstres sacrés que je connaissais mal (les Stones, Bowie…)
Je vais continuer, et essayer de diversifier encore ma playlist.
Comme l’année dernière je fais le constat que plus grand monde ne lit mes chroniques, et que sauf exception, la plupart de celles et ceux qui les likent ou les commentent ne le font que quand c’est un morceau qu’ils ou elles aiment déjà. Des pépites merveilleuses sont parfois passées quasiment inaperçues.
C’est normal, et je comprends parfaitement: vous avez toutes et tous plein d’autres choses à faire que de lire ma prose.
Mais je continue à écrire de nouvelles chroniques: pour moi (parce que j’aime le musique, j’aime me documenter sur la musique, j’aime mieux la comprendre, j’aime mieux l’apprécier grâce au fait que je l’ai mieux comprise…), et pour mes proches, à commencer par mes enfants. C’est un témoignage de l’amour que je leur porte, et de mon envie de leur transmettre quelque chose d’immatériel, mais qui pour moi est fondamental (d’autant plus important que ces chroniques sont presque toujours l’occasion de parler de tout autre chose que de musique).
Si le coeur vous en dit, vous pouvez retrouver les titres de ma playlist (celle des 4 premières saisons) sur Spotify en cliquant sur le lien suivant, qui est public: https://open.spotify.com/playlist/1eirooR9IpwcHGDsS3c3ci (il ne manque que quelques titres).
Et voici les 132 morceaux que j’ai chroniqués dans l’année qui vient de s’écouler:
« Pie Jesu » (Gabriel Fauré / Requiem op. 48)
« Si je devais manquer de toi » (Jean-Louis Murat)
« Violently happy » (Björk)
« When love breaks down » (Prefab sprout)
« Lover man » (Billie Holiday)
« Avant l’exil » (Gérard Manset)
« Poison » (Jay-Jay Johanson)
« I want you » (Tom Waits)
« Treat me right » (Pat Benatar)
« L’abeille et le papillon » (Henri Salvador)
« Love profusion » (Madonna)
« Rebellion (lies) » (Arcade fire)
« Le brasier » (Étienne Daho)
« Why can’t we live together » (Sade)
« Just like honey » (the Jesus and Mary chain)
« The secret marriage » (Sting)
« Sarabande #3 » (Erik Satie / Jean-Joël Barbier)
« Tel » (Alain Bashung)
« Once upon a time there was a pretty fly » (berceuse de « La nuit du chasseur »)
« What’s going on » (Marvin Gaye)
« Eternal life (Jeff Buckley)
« Wallflower » (Peter Gabriel)
« Comédie » (Alain Souchon & Jane Birkin)
« Time to pretend » (MGMT)
« Pourquoi êtes-vous si triste? » (Florent Marchet)
« Lean on » (Major lazer)
« Fortune presents gifts not according to the book » (Dead can dance)
« The asphalt world » (Suede)
« Love for sale » (Cannonball Adderley)
« Il ne faut pas souhaiter la mort des gens » (Dominique A)
« From the edge of the deep green sea » (The Cure)
« Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit » / Sonatine (Jean-Sébastien Bach – transcription pour piano à quatre mains par György & Márta Kurtág)
« Heaven knows » (It’s immaterial)
« Atlantic city » (Bruce Springsteen)
« Toi et moi » (Tryo)
« Creep » (Radiohead)
« Nomad » (Σtella)
« We float » (PJ Harvey)
« Blizzard » (Fauve)
« Motorway to Roswell » (The Pixies)
« Isfahan » (Joe Henderson)
« What good I am » (Bob Dylan)
« Je reviens » (Autour de Lucie)
« Common people » (Pulp)
« Flowers in the window » (Travis)
« Tarzan boy » (Baltimora)
« El cant de la Sibilla » (Jordi Savall & Montserrat Figueras)
« Trigger hippie » (Morcheeba)
« Paroles, paroles » (Dalida / Ibrahim Maalouf, Matthieu Chedid et Monica Bellucci)
« Jealous guy » (Roxy Music)
« Supersonic » (Oasis)
« Lily » (Pierre Perret)
« What I always wanted » (Swell)
« Wouldnt’ it be good » (Nik Kershaw)
« Waltz #2 » (Elliott Smith)
« New gold dream » (Simple minds)
« Oblivious » (Aztec Camera)
« Sing » (Travis)
« I’m Jim Morrison, I’m dead » (Mogwai)
« I wear your ring » (Cocteau twins)
« Dedicated to you » (John Coltrane and Johnny Hartman)
« Y’a une route » (Gérard Manset)
« The man that can’t be moved » (The Script)
« I will follow » (U2)
« Nos esprits libres et contents » (Antoine Boësset / Le Poème Harmonique)
« Queen of the South » (Divine comedy)
« Apocalypse » (Cigarettes after sex)
« Col de la Croix-Morand » (Jean-Louis Murat)
« Nightcall » (Kavinsky)
« Should I stay or should I go » (The Clash)
« There’s a place in hell for me and my friends » (Morrissey)
« Est-ce que tu viens pour les vacances? » (David et Jonathan)
« Such a shame » (Talk Talk)
« National anthem » (Lana del Rey)
« King of pain » (The Police)
« Racing like a pro » (The National)
« Le vent nous portera » (Noir Désir / Sophie Hunger)
« Bullets » (Archive)
« Go your own way » (Fleetwood Mac)
« Evolution » (Cat Power)
« Ebony and ivory » (Paul Mac Cartney & Stevie Wonder)
« Symphonie n°4, Allegro ma non troppo » (Johannes Brahms / Karl Kleiber, orchestre philharmonique de Vienne)
« Us and them » (Pink Floyd)
« Bird gerhl » (Antony & the Johnsons)
« Une autre histoire » (Gérard Blanc)
« Tenderly » (Ben Webster)
« Henry Lee » (Nick Cave / feat. PJ Harvey)
« Outside » (Calvin Harris)
« Another love » (Tom Odell)
« Comme un guerrier » (Gérard Manset)
« Care of cell 44 » (The Zombies)
« Les vacances de monsieur Hulot » (Alain Romans)
« Watermelon sugar » (Harry Styles)
« Always a stranger » (The Tindersticks)
« Hallelujah » (Jeff Buckley)
« Le petit gars » (Francis Cabrel)
« Digging in the dirt » (Peter Gabriel)
« Impromptu Op. 90 / n° 1 » (Franz Schubert / Krystian Zimerman)
« Liar » (Jay-Jay Johanson)
« Mutations » (Nilüfer Yanya)
« Fort Alamo » (Jean-Louis Murat)
« Sunday morning » (Velvet underground)
« There is a light that never goes out » (The Smiths)
« The rain » (Melody Gardot)
« Be thankful for what you’ve got » (Massive attack)
« La bonne étoile » (Matthieu Chedid)
« Another one bites the dust » (Queen)
« Navajo dream » (Venus)
« Nothing left to lose » (Everything but the girl)
« Mes bras » (Alain Bashung)
« In your eyes » (The Weeknd)
« Dream » (P. Lion)
« Straight to hell » (The Clash)
« Blackbird » (The Beatles)
« Un bel di vedremo / Madame Butterfly » (Giacomo Puccini / Maria Callas)
« Come back and stay » (Paul Young)
« The Figurehead » (The Cure)
« Un endroit pour vivre » (William Sheller)
« The future » (Leonard Cohen)
« It could be sweet » (Portishead)
« Sprawl II (Mountains beyond mountains) » (Arcade fire)
« Crucify » (Tori Amos) – session de rattrapage
« Emily » (Al Cohn & Zoot Sims quintet)
« In the modern world » (Fontaines D.C.)
« Here comes the rain again » (Eurythmics)
« I do not want what I haven’t got » (Sinéad O’Connor)
« La jeune fille aux cheveux blancs » (Camille)
« In the real world » (Roy Orbison)
« The man who sold the world » (David Bowie / Nirvana)
« Frosti » (Björk)
« Sexy boy » (Air)