Prince & others far behind – « While my guitar gently weeps » (reprise de George Harrison)

Nous sommes en 2004, lors de la cérémonie d’intronisation de George Harrison au Rock n’ roll Hall of fame.

Sur la scène, Tom Petty, Jeff Lynne, Steve Winwood et Dhani Harrison (le fils de George) se lancent dans un hommage au quiet Beatle en reprenant l’une de ses plus belles compositions, ma préférée en tous cas, « While my guitar gently weeps » .

Le morceau démarre aussi gentiment que la guitare dont il est question dans la chanson des Beatles. C’est même pour le moins plan-plan: le tempo d’origine et les arrangements sont scrupuleusement respectés, les voix sont neutres ou carrément mollassonnes, les premiers solos sont d’une politesse compassée…

Le morceau démarre aussi gentiment que la guitare dont il est question dans la chanson des Beatles. C’est même pour le moins plan-plan: le tempo d’origine et les arrangements sont scrupuleusement respectés, les voix sont neutres ou carrément mollassonnes, les premiers solos sont d’une politesse compassée… On dirait un spectacle de fin d’année de l’école de musique, quand les musiciens jouent avec application, de façon scolaire, comme on le leur a appris.

Et puis, à 3’28, alors qu’il était resté jusque là dans l’ombre, Prince est soudain éclairé par un projecteur, et tout bascule : le love symbol dynamite carrément la chanson, il lui fout le feu et il la rend incandescente, par la grâce d’un solo époustouflant, démentiel. L’espace de quelques minutes il va faire l’amour à sa guitare électrique : tour à tour il la caresse ou il la contorsionne, il la regarde d’un œil enamouré et enflammé ou il feint de s’en désintéresser, il l’entoure de ses bras ou il la tient négligemment. Sa maîtrise de son instrument est si dingue qu’il en fait ce qu’il veut, des hurlements saccadés, des falsettos aigus, des plaintes sourdes – c’est comme s’il la faisait jouir de toutes les façons possibles, et à 5’10 c’est comme une éjaculation musicale…

Sous son chapeau rouge sang de dandy, Prince garde le plus souvent un visage impassible ou une moue un peu boudeuse, mais il jette de temps en temps quelques œillades et petits sourires un peu narquois à ses comparses, comme pour leur signifier qu’il y a tout un monde entre eux, qu’il leur a volé le show et qu’il les a renvoyés à leurs chères études de l’Université du troisième âge – autant dire qu’ils sont bons pour la retraite. D’ailleurs une fois le solo terminé, il lance dédaigneusement sa guitare dans le public et s’en va tel un prince, en direction des coulisses, sans un regard pour le reste des musiciens, comme s’il s’était assez compromis avec la valetaille pour aujourd’hui. Comme la beauté, le talent est souvent arrogant…

Tout au long de ce solo éblouissant (habituellement je n’aime pas la virtuosité, mais ici pardon!), les rentiers du rock continuent à jouer comme si de rien n’était leurs accords pépères, lançant juste vers Prince quelques regards qu’on imagine stupéfaits ou interloqués par cette performance. Le fils de George Harrison, en revanche, est carrément fasciné, et à plusieurs moments dans la vidéo on voit son visage illuminé par un sourire enfantin et éclatant. On le comprend.

Quel pied !

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