Jean-Louis Murat – « Le train bleu »

Quatrième chanson de ce qu’il est convenu d’appeler un album de rupture (« Dolorès, 1996), « Le train bleu » est un morceau magnifique, empreint d’une mélancolie immense et poignante mais exprimée de façon légère et délicate comme de la chantilly.

La chanson raconte les états d’âme de Jean-Louis Murat le lendemain du jour où sa compagne l’a quitté. Le moins que l’on puisse dire est que ça ne va pas fort: « Le soufle court, merde, prêt à pleurer, / j’ai un chagrin plus fort qu’une armée« . Cette femme dont il reconnaît le silence radio, elle est son « croque-mort » , son « bourreau » , sa « toreador » . Le fait de penser à elle le plonge dans une jalousie douloureuse, car déjà il imagine ses courbes caressées par d’autres mains (« Dans quel pays, dans quelle principauté / poseras-tu ton corps, mon adorée? » ). Même les souvenirs du temps où elle s’était installée chez lui, dans ses montagnes auvergnates, et où elle s’intéressait à la façon dont il y vivait, même ces souvenirs là le plongent dans le chagrin: « Dis ton coeur égrène-t-il comme un regret / des jours de neige, / des noms d’arbres fruitiers?« 

Musicalement aussi, « Le train bleu » est une chanson particulièrement élégante, grâce au grand retour des claviers et des nappes de synthés, mais aussi et surtout grâce à un effet musical assez génial: pour illustrer les sensations qu’il éprouve dans le train qui l’emmène « entre Lyon et Genève » , Jean-Louis Murat demande à son batteur et à son guitariste de jouer de façon subtilement syncopée, afin d’imiter le son que l’on entend et les légères secousses que l’on ressent à chaque fois que le wagon dans lequel on est assis passe sur la jonction entre les rails. C’est un petit rien, mais cela transfigure la chanson, qui devient ainsi une sorte de rêverie mélancolique, écrite avec une plume toujours aussi inspirée – la poésie simple et terrienne de l’auvergnat bourru est décidément toujours aussi renversante :

« Dans un train bleu je sommeille, entre Lyon et Genève,

le cœur peuplé d’idées noires,

quand dans un vol d’oies sauvages, sur les étangs s’élève

mon cœur épris de voyage »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *