Gorillaz est parfois décrit comme un « groupe virtuel » ou un « faux groupe » , parce qu’il est composé de personnages de fiction. Drôle d’idée ! Mais heureusement, on n’en est pas encore au stade où l’IA produira de bonnes chansons, et derrière ces personnages imaginaires il y a donc de vraies personnes, de chair et de sang, à commencer par l’ancien leader de Blur, Damon Albarn.

Celui-ci a développé de nombreux projets musicaux en parallèle à la carrière intermittente de Blur : il a créé des groupes (Gorillaz, dont il est la tête pensante musicale et le seul membre permanent, mais aussi The good, the bad and the Queen), il a multiplié les collaborations ponctuelles, il a mené des projets en solo… Un peu comme Thom Yorke, cet homme est un musicien non seulement doué mais hyperactif, qui aime partir dans tous les sens et apparaître là où on ne l’attend pas forcément, au gré de ses humeurs du moment, des thèmes qu’il a envie d’explorer, mais aussi de la pléiade étonnante d’artistes qui s’offrent à collaborer avec lui (Lou Reed, Robert Smith, Beck, Elton John, Neneh Cherry, Ike Turner, George Benson, Shaun Ryder des Happy Mondays, Mark E Smith de The Fall… c’est un peu les Avengers !). Comme il le dit lui-même, « Gorillaz, c’est très indiscipliné. Je peux aller n’importe où et faire n’importe quoi, et c’est tout l’intérêt. Il n’y a pas d’ordre du jour. Je fais ce qui m’excite, et je fais en sorte que ça marche. »
Je ne connais vraiment pas assez la carrière de Damon Albarn pour savoir si Gorillaz est celui de ses side-projets le plus intéressant, mais en revanche c’est clairement celui qui a connu le plus de succès, dès son premier album paru en 2001, avec notamment un énorme tube, « Clint Eastwood ». Ce single, comme le reste de l’album, est un mélange au shaker de divers genres musicaux (notamment la pop, le hip-hop et le rap), qu’honnêtement je trouve sympa sans plus.
Gorillaz a sorti en 2023 un huitième album studio, « Cracker Island » . J’ai d’abord écouté le premier single, qui porte le même titre, et là non plus je n’ai pas été emballé, pour des raisons différentes : j’y ai vu un morceau RnB sans grande originalité, pas transcendant.
En revanche, le cinquième single de ce disque, « Silent running », est franchement emballant, un bijou de pop funky. À la sortie de ce morceau, Damon Albarn l’a décrit comme une tentative pour retranscrire en musique « cette sorte d’état de rêve hypnotique dans lequel on se trouve quand on suit le fil de ses pensées » , ou quand on surfe sur Internet à la recherche d’on ne sait trop quoi (« Through the infinite pages, I’ve scrolled out, / searching for a new world » ). De fait, la chanson est une splendide errance musicale, désinvolte et chaloupée, avec juste assez de synthés pour que ce soit planant, des sifflotements pour évoquer l’envie de se laisser porter, et une rythmique sexy à souhait. « Silent running » est le morceau parfait pour partir à la dérive, ou à l’aventure – souvent on ne sait qu’après-coup si c’était l’un ou l’autre…