Dominique A, « Les éoliennes »

Ces temps-ci, on entend beaucoup parler d’éoliennes dans le débat public et sur les plateaux de télévision, à l’initiative d’élus et de journalistes bas de plafond qui reprennent de façon consternante, stupide et malhonnête la propagande anti-écolo primaire de C-news ou du Figaro. Ces imbéciles tapent sur les éoliennes exactement comme ils dénoncent les ZFE ou ils vomissent sur les Soulèvements de la terre : sans réfléchir le moins du monde, par simple réflexe archaïque de détestation de tout ce qui remet en question leur petit confort intellectuel et matériel.

Mais « Les éoliennes », c’est aussi l’une de mes chansons préférées de Dominique A. Elle clôt l’album « Tout sera comme avant » (2004), dans lequel le chanteur nantais, profondément marqué par l’audace et la liberté de « L’imprudence » d’Alain Bashung, a voulu mettre en œuvre à son tour cette façon originale de travailler avec ses musiciens, en leur lâchant totalement la bride et en leur confiant le soin d’imaginer eux-mêmes les ambiances musicales. Une nuance importante, toutefois, entre les deux projets : là où Bashung y allait franco dans sa noirceur habituelle, affichant la couleur sur une pochette où il apparaissait dans un grand manteau noir, le visage fermé et le regard sombre et hautain, Dominique A place ses compositions sous le signe de la lumière et de la clarté, avec en outre un sourire large, spontané et accueillant sur le dessin qui occupe la totalité de la pochette du single. Un seul projet, donc, mais deux salles et deux ambiances fort différentes.

À vrai dire, le résultat des expérimentations musicales de Dominique A n’est pas aussi réussi que sur l’OVNI faramineux de Bashung, à qui il avait pourtant emprunté trois musiciens (il faut dire que la barre était particulièrement élevée). La poésie n’est pas aussi sidérante et foudroyante, la musique reste plus sage et moins aventureuse.

Mais plusieurs chansons de cet album sont quand même de magnifiques réussites. J’ai par exemple déjà chroniqué « Dans les hommes » , une splendide et tranchante réflexion sur l’irréductible incapacité de certains hommes (avec un h minuscule) à communiquer, à se remettre en question et à avoir une vie amoureuse et familiale harmonieuse. Dominique A est tout l’inverse des hommes qu’il décrit dans cette chanson, de ces évitants glaciaux, de ces pervers égoïstes et de ces obsédés sexuels prêts à toutes les manipulations pour arriver à leurs fins (« Il te disait « Toi seule » / quand il voulait t’aimer » ). À l’exact opposé de ces types misérables et à fuir de toute urgence, l’auteur du « Courage des oiseaux » est un homme sensible et subtil, féru de psychologie et maître dans l’art de sonder l’âme humaine, et c’est l’une des raisons qui font que que je l’aime tant.

Dans le lien que je place en bas de cette chronique, « Les éoliennes » est une chanson à la durée assez standard (3’26), à la douce musicalité, avec des arpèges de guitare sèche et une scie musicale qui se contorsionne doucement. Sur l’album pourtant, elle dure plus de vingt minutes, avec l’ajout d’un long silence à partir de 4’16, puis de plages instrumentales variées, qui vont et viennent comme le « vent impatient » dont parle le texte. Les paroles, romantiques, évoquent l’envie de prendre soin de la personne que l’on aime, de la caresser comme le fait le vent, de goûter le bonheur avec elle, d’yeux qui se plissent, d’un souffle doux, de mots d’amour, d’une envie de s’agripper à l’autre pour se rassurer et s’apaiser. Ces mots, comme la musique, me font penser à une danse délicate et printanière. Ça fait envie.

En face de ma maison, à un peu plus de 800 mètres, il y a un projet d’éoliennes. Je n’ai pas spécialement envie qu’il se concrétise, car la vue serait un peu abîmée depuis certains emplacements du terrain, et surtout je crains le bruit ronronnant que le vent pourrait peut-être transporter jusqu’à chez moi. Mais si ces éoliennes sortent un jour de terre, j’espère bien pouvoir alors les regarder tourner, accompagné de la femme que j’aime, en pensant à ces paroles simples et tranquilles :

« Regarde les éoliennes,

mon amour comme elles sont belles »

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