Cette chanson est tirée de la BO du film de Sean Penn « Into the wild » – un superbe road-movie sur la fatigue, la désillusion, la mélancolie et la peur, mais aussi sur l’aventure, l’amitié, la générosité, la joie, l’euphorie, l’accomplissement, la rédemption…

« Into the wild » raconte l’histoire vraie de Christopher McCandless, un étudiant en histoire et en anthropologie de 22 ans qui est fasciné par le fameux livre d’Henry Thoreau « Walden ou la vie dans les bois » . Le jour de la remise de son dernier diplôme universitaire, qu’il a brillamment obtenu, ce jeune homme idéaliste décide de tout plaquer, de s’évader d’une famille envahissante et d’une société mortifère, de renoncer au destin doré mais morne et dénuée de sens qui l’attend. Il choisit de léguer ses économies à une organisation humanitaire, et après avoir ainsi brûlé ses vaisseaux, il parcourt en stop l’Amérique, à la recherche d’un mode de vie aligné avec ses valeurs.
En chemin il fera des rencontres qui dynamiteront les dernières certitudes qui lui restaient, et il finira par expérimenter un mode de vie radical dans le grand nord de l’Alaska, en quête d’une communion totale avec la nature majestueuse, dans un dénuement et une rudesse auxquels ils n’était pas du tout préparé, mais qui le revigorent et qui le ravissent.
Ce qui a déclenché ce grand saut, c’est une révélation, de celles qui coupent la vie en deux telle une hache bien tranchante, avec un avant et un après nettement distincts: « Comes the morning / where I can feel / that there’s nothing left to be concealed » . Il y a de ces vies durant lesquelles un jour, un homme ou une femme a décidé que ça suffit, que la suite ne ressemblera pas du tout à ce qui a précédé. Des vies où on se dit que jusqu’ici on a fait un peu de la merde, mais que désormais c’est fini, quoi qu’il en coûte. Il faut sans doute du courage (ou de l’inconscience ?) pour se jeter ainsi à l’eau dans une eau glaciale. Mais en général quand on le fait, c’est qu’on a atteint un point de non retour et que de toutes façons il n’était plus du tout possible de continuer comme si de rien n’était.

Ce jeune homme blessé sera guéri par ce choix de vie, et son coeur sera clarifié et purifié pour pouvoir accueillir la beauté et les mystères du monde (« I been wounded / I been healed / Now for landing I been cleared » ).
Regardez bien, dans ce clip, la joie qui éclate sur son visage, sur le chemin qui l’amènera à vivre et à mourir « en pleine nature » (« Into the wild » ). Son regard émerveillé est magnifique d’intensité.
Dans la très belle BO d' »Into the wild » , composée et chantée par l’ancien leader de Pearl Jam, Eddie Vedder, mon titre préféré est « No ceiling » . Le seul défaut de cette chanson est d’être si courte (seulement 1 minute et 34 secondes!). Mais cela suffit pour qu’elle me transporte dans un autre monde et pour qu’elle me donne une pêche pas possible – et l’envie de la réécouter tout de suite.
Musicalement, « No ceiling » décrit parfaitement l’impression d’euphorie et de liberté que ressent ce jeune homme au cours de son parcours en forme de rite initiatique. Une fois qu’il a décidé de partir pour le grand nord, il n’y a plus de limites à son désir d’évasion et de liberté, il n’y a plus de bornes à sa marche en avant, il n’y a plus rien que l’immersion dans les grands espaces et leur atmosphère sauvage. « No ceiling » : rien au-dessus de sa tête.
Pour magnifier cette aventure, Eddie Vedder compose une ballade folk épatante et tonique, notamment grâce à un banjo qui tournoie autour des guitares acoustiques et électriques. Il chante avec une voix légèrement rauque qui évoque celle d’un géant de la musique folk-rock américaine, Bruce Springsteen, et qui colle parfaitement avec l’histoire de ce jeune homme.
Quant au texte, simple et beau, il dit ce qui est l’objectif d’une vie, je crois (même quand on ne désire pas vivre en autarcie mais, comme moi, au milieu des humains): dévoiler ses blessures pour mieux les panser, n’avoir plus rien à cacher, et être prêt pour décoller vers de vraies rencontres et vers un amour « sans plafond » .
Ce film le raconte, et c’est bouleversant.
« This love has got no ceiling »