The Divine Comedy – « Queen of the South »

The Divine comedy est un groupe majeur, né en Irlande du nord en 1989, mais que j’ai découvert avec retard grâce à plusieurs morceaux enthousiasmants, dont celui-ci.

À vrai dire il ne s’agit pas vraiment d’un groupe, mais plutôt du projet solo de son leader Neil Hannon, qui s’adjoint des musiciens variés selon les albums et les tournées. Après une première tentative collective qui l’a laissé très frustré, Hannon s’est enfermé chez lui pendant de longs mois, sans rien écouter ou presque, pour ne pas être influencé par les modes musicales du moment (la fin du grunge, les prémisses de la britpop…), et pour laisser libre cours à ses propres goûts, en étant simplement inspiré par ses souvenirs, ses envies et son amour des Beatles, de Scott Walker, des Beach boys ou de la musique minimaliste.

De cette expérience va naître en 1993 « Liberation », un album marqué par une fraîcheur et une originalité peu communes. Neil Hannon l’a enregistré dans des conditions assez précaires, en jouant de quasiment tous les instruments. Outre la batterie, les guitares, la basse et un orgue Hammond, on y entend de nombreux instruments caractéristiques de la musique classique, tels que le piano, le clavecin, les cordes (violon, alto, violoncelle), le cor français…

Il faut dire que quand il était petit, Neil Hannon était baigné par les airs classiques de Rachmaninov, Debussy ou Chopin, que son père pasteur interprétait à la maison. Il a appris le piano très jeune, et à l’âge de quinze ans il a chanté le Pie Jesu du Requiem de Fauré à l’occasion de l’inauguration des grottes de Marble Arch.

Cette richesse musicale, ainsi que l’inventivité mélodique de Neil Hannon, font de « Liberation » un classique d’une pop très variée, ambitieuse et sophistiquée, qui est souvent qualifiée d’orchestrale ou de baroque du fait de ses arrangements raffinés et classieux.

On ne peut toutefois pas enfermer The Divine Comedy dans un seul style musical. Sur ce disque en particulier, on passe du piano-voix de cabaret (« Festive road ») à la pop mentholée (« Bernice Bobs her hair »), puis à une sorte de disco quasi enfantin (« Europop »), puis à un chant sépulchral (« Timewatching »), et la dernière chanson commence par des riffs de guitare qui font penser à la noisy pop qui s’apprête alors à émerger. Tout à tour rafraîchissant, faussement naïf, emphatique ou plombant, Neil Hannon n’hésite pas à prendre le risque de déconcerter…

Une autre spécificité de The Divine Comedy est son caractère intellectuel et lettré. Le nom du projet fait évidemment allusion à Dante, et les chansons sont souvent truffées de références à des œuvres littéraires, à des films ou à la psychanalyse. Sur « Liberation » par exemple, six chansons font directement allusion à des romans ou à des pièces de théâtre: « Bernice Bobs her hair » à un conte de Scott Fitzgerald, « Three sisters » à une pièce de Tchekhov, « Death of a supernaturalist » à un poème de Seamus Heaney…

Neil Hannon, c’est enfin une personnalité complexe de dandy désinvolte, navré par la pauvreté culturelle de l’époque, capable d’exprimer librement ses tourments et sa fragilité, mais à la recherche de la joie de vivre, de la capacité de curiosité et d’émerveillement de l’enfance. Ses textes inspirés ne sont pas toujours joyeux, mais il les chante avec un mélange de détachement et d’emphase, parfois même d’arrogance, qui le rend soit émouvant (car il faut du courage pour braver la peur du ridicule), soit agaçant.

Malgré toutes ces qualités, qui ont valu à The Divine Comedy une critique dithyrambique, cet album ne recevra qu’un accueil commercial assez confidentiel, sauf en France…

« Queen of the South » est ma chanson préférée de cet album kaléidoscope. L’harmonie merveilleuse entre les méandres de l’orgue, les boucles subtiles de guitares et la voix précieuse de Neil Hannon, la tendre simplicité du refrain, en font un chef d’oeuvre renversant. Le texte est empreint de mélancolie (« I’m in love and I’m in pain« ; « Something’s getting in the way / what it is I cannot say / I wish we had never met« ), mais la mélodie et les arrangements la rendent délicieusement joyeuse et donnent envie de chantonner les yeux fermés et le sourire aux lèvres. À partir de 2’26, annoncées par des boucles timides de guitares et une voix qui lâche quelques « la la la », une succession de « Queen of the South » me donnent carrément l’impression de flotter sur coussin d’air….

« I am worried for your health

Put something warm around yourself »

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