Dans un article publié récemment dans Marianne, Emmanuel Tellier a proposé une excellente playlist des trésors de la pop, dans laquelle j’ai fait quelques découvertes formidables, dont celle-ci.
Contemporain des Beatles, le groupe britannique The Zombies a sorti en 1968 un troisième album, « Odessey and Oracle » , vénéré par les aficionados de la pop canal historique. Ses deux premiers disques ne s’étaient pas bien vendus, si bien que les membres du groupe avaient décidé d’en enregistrer un troisième avant de se séparer (un dernier pour la route…). Auto-produit avec un budget rachitique, l’album sera distribué à reculons par CBS, l’année suivante seulement. Heureusement que la maison de disques a fait un effort pour surmonter le risque du bide, car on y découvre de merveilleuses chansons, acidulées et mélodiques, parfois psychédéliques, qui lorgnent beaucoup vers le Fab four, mais plus encore vers les Beach Boys – en tous cas sur ce morceau c’est tout à fait évident (d’ailleurs les fans autant que les critiques tiennent considèrent aujourd’hui que « Odessey and Oracle » est le « Pet sounds » britannique).
« Care Of Cell 44 » est la chanson qui ouvre l’album, mais en réalité elle est sortie en single en 1967, et c’est son échec commercial qui a précipité la décision des Zombies d’en finir avec leur groupe.
Musicalement, c’est une pépite emblématique de cette atmosphère joyeuse et entraînante qu’aimaient les pionniers de la pop. Ici toutes les cases du genre sont allègrement cochées: le piano sautillant, la basse très mélodique, la voix enjouée, l’alternance entre des ponts lents et doux et des couplets (re)bondissants, des cordes ouvragées, et beaucoup de chœurs tour à tour tendres et enthousiastes. « La perfection » , estime Médiapart, et bien que d’habitude je ne sois pas très fan des feel good songs, je suis obligé d’en convenir: c’est un vrai joyau pop.
Le thème de « Care of cell 44 » est particulièrement original: la chanson raconte l’excitation d’une personne qui attend la sortie de prison de son (sa) conjoint(e). Voilà une manière originale, et même plutôt audacieuse, de revisiter l’éternelle complainte des amoureux séparés et impatients de se retrouver!
C’est aussi en raison de cette thématique que cette chanson m’a frappé et que j’ai eu envie de la réécouter plusieurs fois, jusqu’à être totalement emballé. Il se trouve que je connais une personne qui vit depuis pas mal d’années dans une atmosphère assez carcérale, et j’ai souvent eu l’occasion de lui souhaiter une bonne journée en espérant qu’elle se sentait mieux et que je lui étais de quelque aide (« Good morning to you, I hope you’re feeling better baby / thinking of me while you are far away » ). Je lui souhaitais aussi de trouver en elle-même les ressources et la force nécessaires pour se libérer. C’est chose faite. Elle peut être fière d’elle-même, et une tout autre vie peut commencer.
« It’s gonna be good to have you back again with me » .