Le photographe Frank Loriou vient tout juste de publier un recueil sur Jean-Louis Murat, intitulé Photorama, avec plus de 150 images du chanteur auvergnat, pour la plupart inédites. Il avait signé pour lui neuf pochettes d’albums (dont le magnifique « Mustango ») et réalisé de nombreuses sessions photos, souvent dans l’Auvergne natale de Jean-Louis Murat, sur ses terres à Orcival et Douharesse, et toujours en argentique.
Dans le texte introductif, intitulé « Je me souviens », Frank Loriou commente ainsi cette photo, prise dans la cuisine d’Émile, un voisin du poète bougon et mélancolique : « Jean-Louis Murat nous accueillit en grommelant, mi-bourru, mi-amusé, tel que je le verrais si souvent. La pièce était simple, rustique, mais coquette. Une grande cheminée de pierre. Une table devant la fenêtre. Une cuisine ouverte, un peu à l’écart. Un buffet auvergnat, robuste, massif, dans lequel était rangée la vaisselle. Rien d’ostentatoire. Rien de superflu. La maison d’un paysan, d’un ouvrier. D’un artisan. D’un travailleur. »
En voyant cette photo et en lisant cette description respectueuse, je me sens très touché de savoir que l’un de mes chanteurs préférés, dont j’admire tant la sensibilité, l’amour fervent de la nature sauvage, la plume splendide et la voix chaleureuse et sensuelle, a passé du temps dans cette cuisine telle qu’il y en a tant dans les « Terres de France » qu’il aimait chanter, qui ressemble à celle de certains de mes voisins limousins, et qui me rappelle aussi celle de ma mémé de Villers. C’est une cuisine qui a vécu, mais qui ne se la raconte pas, alors qu’elle aurait pourtant bien des choses à raconter, justement. Dans cette pièce je reconnais bien mon Jean-Louis : elle est à son image, simple, un peu austère, sans esbroufe, dédaigneuse de toute fantaisie et de toute prétention à la modernité. À l’image d’un homme qui a essayé de vivre de façon décente dans un monde inhospitalier, et qui pour y parvenir a eu besoin de s’immerger dans les éléments, la terre, le vent, la pluie, la neige, le vivant partout autour de lui, et le feu de la cheminée.
Frank Loriou, Photorama, éditions Le Boulon, 204 pages.


