J’ai une grande passion pour les compositeurs français du tournant du XXème siècle: Debussy, Ravel, Fauré, et Satie.
Erik Satie était un doux dingue, excentrique, drôle et tendre, inclassable du fait de la variété de ses inspirations et de ses compositions. Il aimait se montrer loufoque, mais il n’oubliait pas d’être sérieux quand il fallait l’être, par exemple pour rendre à Maurice Ravel cet hommage magnifique: « Ravel vient de refuser la Légion d’honneur, mais toute sa musique l’accepte. »
Si vous avez l’occasion de passer par Honfleur, précipitez-vous à son musée! Il est plein de surprises, de jeux musicaux, d’instruments qui tournoient et qui jouent tout seuls (Val, il y a même une poire géante 😉)… C’est un endroit parfait pour initier des enfants aux mystères et à la magie de la musique.
Les gymnopédies d’Erik Satie sont très connues, mais les gnossiennes, ces courtes compositions envoûtantes et avant-gardistes dont il a lui-même inventé le nom, me touchent bien plus encore.
Selon le philosophe Vladimir Jankélévitch, qui était aussi musicologue et grand admirateur de Satie, « le temps gnossien, c’est le temps immobile » . Immobile, peut-être pas, mais en tous cas c’est un temps qui n’est pas orienté dans une direction très claire, qui n’est ni vectoriel, ni cyclique, mais plutôt aléatoire, désordonné, donnant une impression de liberté et d’abandon au hasard.
Cette cinquième gnossienne, ma préférée, décrit merveilleusement ce qu’est la vie: changeante, aléatoire, fragile et rebondissante. Elle me fait penser à une personne qui marche en titubant, accélère et ralentit, manque de chuter, s’appuie contre un mur, reprend son souffle, essuie son front, repart… Une alliance subtile et troublante entre de la mécanique et de l’émotion.
Comme du Chaplin, tiens. Je verrais bien ce morceau illustrer des images du vagabond arpentant les rues à la recherche de son repas du soir, ou d’une âme sœur.